Selon de nombreux experts, l’hydrogène pourrait révolutionner le secteur de l’énergie dans le monde. Dans une course globale pour le développement de ce nouveau marché, des pays africains essayent de se positionner. L’hydrogène pourrait aussi contribuer à la décarbonatation des économies émergentes, à condition de le produire avec de l’électricité obtenue à partir de sources renouvelables. L’hydrogène vert est surtout une solution pour le stockage et le transport des énergies renouvelables connues pour leur intermittence.
Relativement méconnu il y a quelques années, l’hydrogène vert fait de plus en plus parler de lui en Afrique. Le continent est particulièrement ciblé par les fournisseurs de solutions énergétiques pour le développement de cette énergie nouvelle. Les projets actuellement en phase de réalisation sont pour la plupart expérimentaux, c’est-à-dire destinés à tester la technologie pour évaluer les possibilités de production de cette énergie à grande échelle. L’hydrogène vert suscite de plus en plus l’intérêt de la part des géants mondiaux qui se positionnent sur les marchés les plus dynamiques du continent africain, notamment en Égypte, en Afrique du Sud, au Maroc, mais aussi en Mauritanie et en Namibie pour leurs potentialités en matière d’énergies renouvelables.
À l’instar d’autres nations dans le monde, des pays africains, notamment l’Afrique du Sud, font le pari de l’hydrogène vert pour la transition énergétique et la décarbonisation. La nation arc-en-ciel est le plus gros pollueur du continent africain, avec son mix électrique largement dominé par le charbon. Sur une capacité installée actuelle de 58 GW, plus de 48,3 GW d’électricité sont produits à partir des énergies fossiles. Le pays est engagé depuis quelques années dans sa transition énergétique qui devrait le conduire à fermer plusieurs de ses centrales dans les années à venir, et à construire de nouvelles installations à énergies propres. L’hydrogène vert est présenté comme une solution capable de soutenir le développement durable, avec à la clé la création de nouveaux emplois verts.
C’est quoi l’hydrogène vert ?
L’hydrogène, ou plus exactement le dihydrogène (H2) est produit à travers l’électrolyse de l’eau (H20). Ce procédé permet de transformer l’énergie électrique en énergie chimique. Le dihydrogène ainsi récupéré permet le moment voulu d’obtenir de l’énergie de deux manières : grâce à sa combustion directe avec le dioxygène (02) ou sous forme d’électricité via une pile à combustible. Dès lors que l’électricité utilisée dans l’électrolyse de l’eau est exclusivement issue des sources renouvelables comme l’hydroélectricité, le solaire ou encore l’éolien, on parle d’hydrogène vert.
Quelles utilisations de l’hydrogène vert
L’hydrogène vert servira d’abord au stockage de l’électricité, les énergies renouvelables étant souvent intermittentes. Pour une centrale solaire par exemple, il s’agit de produire de l’électricité pendant les heures d’ensoleillement et de transformer l’électricité produite en hydrogène vert. Ce gaz dont la combustion n’émet que de la vapeur d’eau peut être de nouveau transformé en électricité lorsque la source d’énergie primaire renouvelable (le soleil) est indisponible.
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L’hydrogène vert jouera également un rôle important dans la décarbonisation des transports. En Afrique du Sud, c’est Sasol, le géant de l’industrie de la chimie, qui se positionne actuellement sur le marché naissant de l’hydrogène vert. Il a déjà signé un partenariat avec Toyota South Africa Motors (TSAM), la filiale du constructeur automobile japonais Toyota afin de développer l’hydrogène vert pour le transport par camion avec la mise sur le marché sud-africain de véhicules dotés de moteurs à hydrogène. Une nouvelle technologie à laquelle s’affaire déjà le géant Toyota.
À l’échelle du continent africain, l’hydrogène pourrait changer la donne en matière de pollution causée par la mobilité. Et la question de la mobilité durable intéresse de plus en plus les décideurs politiques et les investisseurs en Afrique. Selon la Banque mondiale, la plupart des contributions déterminées au niveau national (CDN) élaborées récemment par les pays africains ont identifié le transport comme domaine prioritaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les secteurs à forte intensité de carbone. Il faut toutefois relativiser, car beaucoup de pays africains peinent encore à engager de véritables stratégies en matière de transition vers la mobilité propre. Les solutions existantes, notamment électriques, sont encore peu adoptées pour le moment à cause des coûts élevés et de l’absence d’infrastructures nécessaires à la mobilité durable, comme des bornes de recharge de véhicule électrique et un réseau électrique fiable.
De l’hydrogène vert destiné à l’exportation
L’Afrique intéresse les investisseurs dans l’hydrogène vert surtout pour son potentiel en matière de production d’énergies renouvelables. C’est la raison pour laquelle, sans être le pays le plus exemplaire en matière de production d’énergies propres, la Mauritanie a néanmoins été choisie pour abriter l’un des plus ambitieux projets de production d’hydrogène vert développés actuellement sur le continent africain.
L’entreprise britannique Chariot monte le projet Noor avec pour objectif de produire et d’exporter 10 GW d’hydrogène. La société produira l’électricité nécessaire à partir de parcs éoliens et solaires. Chariot a déjà obtenu de la part du gouvernement mauritanien l’exclusivité sur une zone terrestre et offshore d’une superficie totale d’environ 14 400 km2 pour mener des études de préfaisabilité et de faisabilité dans le but de produire de l’électricité propre. À l’instar de la Mauritanie, les grands groupes qui se positionnent actuellement en Afrique prévoient d’exporter de l’hydrogène vert en direction des marchés internationaux.
L’attrait de l’Égypte
L’Égypte fait également partie des futurs pays producteurs d’hydrogène vert en Afrique. Le Caire continue d’attirer les investisseurs qui veulent se servir de ce pays d’Afrique du Nord comme centre de production et d’exportation d’hydrogène vert. Le pays a aussi convaincu les investisseurs grâce au succès obtenu dans la mise en œuvre de nombreux projets d’énergies propres par des producteurs indépendants d’électricité (IPP) en Égypte.
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Ainsi, quatre énergéticiens ont signé des accords avec les autorités égyptiennes pour la recherche et le développement sur l’hydrogène. C’est le cas du géant allemand Siemens ou encore de la compagnie pétrolière italienne ENI qui essaye désormais de diversifier ses activités en investissant dans les énergies renouvelables. Des accords similaires ont également été signés avec le groupe belge Dredging, Environmental and Marine Engineering NV (Deme) et par le norvégien Scatec qui exploite actuellement six centrales solaires photovoltaïques totalisant 380 MWc dans le complexe de Benban (1 650 MWc) situé dans le gouvernorat d’Assouan.
Au Maroc, la coopération bilatérale pour le développement de l’hydrogène vert
Le Maroc, qui veut aussi investir dans l’industrie naissante de l’hydrogène vert, mise sur la coopération bilatérale pour accéder aux financements nécessaires. Le royaume d’Afrique du Nord a ainsi signé des accords avec le Portugal et l’Allemagne. Rabat veut exporter l’hydrogène vert produit au Maroc à partir du port de Tanger.
Pour sa part, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) veut accompagner les efforts du gouvernement marocain à travers la réalisation d’études sur les perspectives technologiques et commerciales. L’institution contribue également à l’élaboration des modèles de coopération public-privé, intervient pour le développement de nouvelles chaînes de valeur de l’hydrogène et veut jeter les bases de sa commercialisation au niveau national et régional.
Quid du financement, de la recherche et du développement ?
En Namibie, l’Allemagne a promis de soutenir la production de cette énergie nouvelle avec 40 millions dollars destinés à financer la recherche et le développement.
Hyphen Hydrogen Energy, une coentreprise entre le producteur allemand des énergies renouvelables Enertrag et la société d’investissement Nicholas Holdings, a signé avec Windhoek pour investir 9,4 milliards de dollars, l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) actuel de la Namibie, soit 10,7 milliards de dollars en 2020 selon la Banque mondiale. Hyphen mettra en place des installations capables de produire 300 000 tonnes d’hydrogène vert en convertissant 5 000 MW d’électricité produite à partir de parcs éoliens et solaires installés dans le parc national de Tsau//Khaeb, sur la côte, au sud-ouest du pays.
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Mais pour l’heure, la Namibie elle-même n’a pas encore établi une stratégie bien structurée en matière de production de l’hydrogène vert, la première évaluation étant encore en cours. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs pays du continent.
Le seul pays ayant pris à ce jour des engagements précis sur l’aspect financier est l’Égypte. Le gouvernement égyptien veut investir 4 milliards de dollars pour soutenir le développement de l’hydrogène vert au cours des prochaines années. La Namibie fait également des avancées notables grâce à des investisseurs privés.
Pour ce qui concerne la R&D, les premières avancées sont localisées en Afrique du Sud. Et c’est le géant français Engie qui est à l’origine des travaux entrepris près de la mine de platine de Mogalakwena, située dans la province du Limpopo, et exploitée par la compagnie britannique Anglo American. Ce projet expérimental de production d’hydrogène vert est mis en œuvre en partenariat avec Release by Scatec, une filiale de l’IPP norvégien Scatec.
Dans le cadre de cet accord, Scatec fournira de l’énergie solaire photovoltaïque à Engie, sur une période de 2 ans. La solution conteneurisée Release by Scatec installée sera capable de produire 616 kWc d’énergie solaire. Cette énergie propre sera convertie en hydrogène dans le cadre d’une stratégie beaucoup plus large d’Anglo American visant à atteindre la neutralité carbone dans ses activités d’extraction et de traitement de ressources minières d’ici à 2040.
L’association avec l’ammoniac vert
L’hydrogène vert produit dans sa mine de Mogalakwena alimentera ses camions miniers. Il s’agit d’engins hybrides à pile à hydrogène et à batteries de 2 MW. Selon le groupe, le modèle hybride en cours d’assemblage en Afrique du Sud sera capable de transporter une charge utile de 290 tonnes.
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Scatec s’active également en Égypte, où la société veut produire de l’ammoniac vert qui pourrait servir dans le transport maritime. L’ammoniac sera lui aussi produit à partir d’hydrogène vert. Le projet lancé par l’énergéticien norvégien est mis en œuvre en partenariat avec Fertiglobe, un producteur d’ammoniac détenu conjointement par OCI N.V. et Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), ainsi que le Fonds souverain d’Égypte (TSFE). L’usine de Scatec sera capable de transformer 100 MW d’hydrogène vert en ammoniac vert, nécessaire à la réduction des émissions de GES des engrais azotés.
Jean Marie Takouleu